Liberté de la presse: sans la liberté de blâmer...

 

 

Classement mondial 2009 de Reporters sans Frontières.

 

Danemark (1), Finlande (2), Irlande (3)… Surinam (42), FRANCE (43), Cap Vert (44)…

Pas de quoi pavoiser. La France chute de 8 places. Et Jean-François Julliard, le Président de Reporters Sans Frontières prévient : « Il est inquiétant de constater que des démocraties comme la France, l’Italie (49) ou la Slovaquie (44ème exequo) continuent, année après année, de perdre des places au classement ».

Alors, la presse victime d’une restriction de sa liberté ? Ou la presse libre au point de pouvoir organiser des attaques qui viseraient, selon Frédéric Lefèbvre, le porte parole de l’UMP, « à détruire le Président » ?  La question mérite d’être posée. Parler de complot politico médiatique, ce n’est pas rien. C’est même surprenant quand on sait que Nicolas Sarkozy est l’ami de la plupart des patrons de presse de notre pays ; qu’il nomme, désormais, les responsables des chaines publiques ; et qu’il a, lui-même, largement utilisé les médias dans sa conquête du pouvoir, jouant de la séduction, allant même jusqu’à exposer sa vie privée sans vergogne tant que cela le servait, pour ensuite mieux condamner les excès des journalistes, une fois revêtus les habits de Président. Le pragmatisme, constate t-on indulgemment.

On remarquera simplement que l’idée du « complot médiatique » surgit toujours quand un pouvoir est en difficulté ou qu’il se sent menacé. Que c’est même à l’utilisation de ce thème que l’on mesure le degré de sa fragilité momentanée ou définitive.

Or, l’accusation contre la presse, martelée par plusieurs ministres, dont Xavier Bertrand invité de RFI lundi dernier, ressemble fort à un mot d’ordre, à une volonté de désigner un bouc émissaire face à un mécontentement populaire qui dépasse les clivages politiques.

Xavier Bertrand: "ce qui me frappe, c'est le procès en sorcellerie fait par la presse à Jean Sarkozy". (photopb)

Le palais de l’Elysée est, en effet, sous pression après les polémiques suscitées par Frédéric Mitterrand et plus particulièrement par Jean Sarkozy, le fils cadet du Chef de l’Etat, candidat à la présidence de L’EPAD. Nicolas, Président, avait sans doute mal calculé les effets de sa décision de laisser Jean, conseiller général des Hauts-de-Seine, marcher sur ses traces à la conquête de son ancien fief. Il n'avait pas anticipé les effluves  dérangeants d'une dynastie imposée. Si les sondages montrent, en effet, que les électeurs de droite sont majoritairement en désaccord avec la défense sans restrictions du ministre de la culture, plus encore, ils indiquent qu’ils sont opposés à la promotion d’un jeune homme sans grande expérience à la tête d’une structure qui gère des milliards. Ils y voient un exemple de népotisme. Et s’interrogent pour savoir si la précipitation aurait été la même avec un candidat né « trucmuche ». La démocratie est ancienne. Elle s’est construite sur des valeurs et des convictions qu’une campagne, aussi bien orchestrée soit-elle par les grands communicants de l’Elysée, ne pourra ébranler. Car elles aussi, ces valeurs et  ces convictions, franchissent les frontières politiques. Il en va du mérite comme de la nécessité d’une presse non muselée.

Parler aujourd’hui de complot politico-médiatique, c’est utiliser un rideau de fumée. C'est vouloir camoufler. C’est enfin avouer, dans un pays comme le notre, une incapacité à résoudre les problèmes du moment et à imposer, par la persuasion et la démonstration,  ses propres convictions… L’outrance, pas plus que la critique systématique, ne sont des objectifs de la vie publique. Ils en sont, au mieux, des outils entrés en fraude. En France, Jean-Marie le Pen a utilisé l’argument du complot politico-médiatique. Dieudonné, également. Dans une moindre mesure, Julien Dray et Ségolène Royal, ont joué sur ce registre. Plus récemment Flavio Briatore, l’ancien patron de Renault F1 team, banni à vie du sport automobile pour tricherie, a emboité le pas ; le  tout dernier en date à avoir parlé d’un complot de ce genre, étant le capitaine Moussa Dadis Camara, chef de la junte qui a pris le pouvoir en Guinée Conakry. Des raisons différentes de l’utiliser, mais un même argument pour tous au moment des doutes et de la mise en cause : l’acharnement médiatique ou le complot, selon l'urgence  !

Dans le cas de Nicolas  Sarkozy, Frédéric Lefèbvre affirme qu’il y a « complot politico-médiatique », la presse faisant en quelque sorte le boulot que l’opposition ferait mal. C’est oublier volontairement les doutes et les critiques qui montent du pays, ainsi que les réserves des représentants de la majorité qui relaient leurs électorats en contestant ouvertement certaines réformes et la méthode employée pour les mettre en œuvre. Ils désirent être entendus, pour quelques-uns d’entre eux, ces élus. Et ne répondent pas toujours aux injonctions.

Alain Juppé à propos de la suppression de la taxe professionnelle: "Il n'y a pas de compensation, c'est tout de même se foutre du monde". (photo pb)

Ils veulent participer, tout simplement; ce qui est un minimum dans une démocratie. Il arrive même qu’ils s’emportent publiquement, mais qui est l’inventeur de la droite décomplexée ?  Et le journaliste navigue entre une participation au "happening permanent" organisé par le pouvoir ; le panurgisme, cette logique moutonnière dopée par une sorte « d’attraction répulsion » pour la surexposition volontaire du chef; et l’observation critique qui est sa seule raison d’être. Toute cette affaire, Arnaud Mercier, professeur à l’université de Metz, l’a fort justement résumée : «  De même qu’un pouvoir triomphant voit parfois son action artificiellement et implicitement valorisée dans les médias grand public grâce  à des coups bien préparés, de même un pouvoir affaibli et gaffeur est sujet à des périodes de plus libre expression des critiques que son action suscite ».

2 Comments

Le classement de Reporters sans frontières est il objectif ?
Dans les différents pays occidentaux démocratiques les médias n'ont pas le même comportement : responsables dans certains pays, irresponsables dans d'autres...
Ce classement de rsf devrait être accompagné par un second classement concernant l'objectivité des principaux médias du pays. Les plus "grands" journaux français, tel l'emblématique Monde ont souvent été pris en flagrant délit de désinformation, de non séparation du fait et du commentaire, d'omission volontaire etc.. Messieurs les jounalistes, malheureusement, vous êtes de moins en moins crédibles, tout au moins en France. A rfi, êtes-vous irréprochables ?

Toutes tendances confondues, ces réactions des politiques (à la limite du pétage de plomb) pour employer un certain langage, doivent être, pour les journalites, de l'eau versée sur le dos du canard. Le métier exige d'être le plus objectif possible et ce au délà des convictions politiques qu'on a en tant que citoyen. Respectez le metier de journaliste est un gage essentiel pour toute démocratie. Ce qui me surprend, ici, c'est que ces politiques n'hésitent pa à taper sur certains régimes qui violent la liberté de presse et d'autres choses....