Philippe Séguin: Une certaine idée de la France...

Philippe Séguin avait un rêve. Un rêve qu'il a longtemps porté sans parvenir à le réaliser. Un rêve si prégnant qu'il l'a forcé, en 2004, à abandonner la vie publique et ses faux semblants, pour ne plus servir que l'Etat...

Photo Afp

Il voulait voir, Philippe Séguin. De ses yeux embrasser, un jour, la France réconciliée. C'est pour cela qu'il avait choisi la politique. Il avait mis tout son courage, toute sa générosité, toute son intelligence, et toute sa vivacité pour y parvenir. Mais de deception en deception et de colère en colère, il avait fini par constater qu'il n'y avait point de salut politique sans une certaine compromission, celle qui consiste à mettre en sourdine ses plus fortes convictions pour conquérir le graal. Il aurait pu écrire "Chirac m'a tuer", Philippe Séguin. Il ne l'a pas fait ! Pas plus qu'Alain Juppé, son double si différent, qui a également été shooté en plein vol par un patron peu enclin à épargner les aigles qui traversaient le ciel de son ambition. 

La trahison ! Elle était étrangère à Séguin. Comment aurait-il pu accepter l'abandon d'une partie de la souverainté de son pays, alors même qu'il considérait, à l'instar de général de Gaulle, que la démocratie était inséparable de la souveraineté ? Comment aurait-il pu, alors même que vivant dans le souvenir d'un père combattant pour la France, un père qu'il n'avait pas connu parce que disparu quelque part dans le Doubs sous les balles allemandes ? Sa mère lui avait conseillé, par écrit, d'être, plus tard, "un homme loyal, honnête, bon et courageux", à l'exemple du grand absent: comment aurait-il pu se résigner à céder sur ses convictions, lui qui l'admirait et le chérissait ? Philippe Séguin l'affectif, "Philippe le gros sensible" comme l'appelaient ses amis, en était incapable. C'eût été trahir la mémoire du Général, et celle de son père perdu trop tôt... Maastricht, sa grande affaire. Philippe Séguin a donné, le 3 septembre 1992, la réplique à François Mitterrand malade. Attentif, respectueux et pourtant opposé au concensus démocratique qui était à l'oeuvre. La faiblesse du Chef de l'Etat, la souffrance de l'homme, ont calmé ses ardeurs ce jour là. Le politique a cédé le terrain à l'humaniste. Le calcul à la compassion. L'esprit de combat à celui de fraternité... Ecce homo ! Las, le "oui" l'a emporté contre le "non". Et Raffarin n'était pas là pour expliquer que le "yes needs the no to win against the no". Dès lors, comment continuer ?

Président de la Cour des comptes, il prenait de la distance et pouvait rester dans l'action sans pour autant avoir à subir une hiérarchie, ou les insupportables qui, le plus souvent, la composent. Philippe Séguin aimait l'action. Il l'a longtemps prouvé lorsqu'il était ministre, ou président de l'Assemblée nationale, ou responsable du RPR. Il allait, son patriotisme fraternel en bandouillère. Il n'était pas bling bling. Il n'était pas capable de se contenter d'argumenter sur l'air du temps. Il ne considérait pas qu'il fallait surfer sur l'actualité pour conduire une politique digne de ce nom au service de tous. Il avait une trop haute idée de la Nation et de la République pour se fourvoyer autrement qu'involontairement. Et s'il l'a fait, s'il a piqué de trop grosses colères, c'est uniquement à ses dépens et, la plupart du temps, pour soutenir des "compagnons" mieux placés que lui pour briguer le leadership. Vrai au RPR, aussi vrai hors de l'UMP... Passionné de foot, Philippe Séguin savait dribbler. Ses tirs étaient le plus souvent puissants. Et il savait quitter, avec élégance, une pelouse sur laquelle il avait été défait. La marque des champions. Il y a aussi de la noblesse dans l'échec. Il y a la noblesse de l'échec...  

 

 

 

 

1 Comments

A travers sa "compassion" pour Philippe Séguin, Philippe Biancone s’intéresse surtout, comme d’habitude, à « démolir » la majorité actuelle. Je le laisse à cette petite médiocrité pour donner mon opinion sur Philippe Séguin.
J'étais un supporter de Philippe Séguin et j'aurais bien aimé le voir président de la république. Il avait, et l’envergure, et les capacités pour l’être. Malheureusement, malgré sa connaissance de la vie politique française, Philippe Séguin n'était pas un "politicien" Il a été le secrétaire général du RPR mais il n'a pas su, comme Nicolas Sarkosy l'a fait plus tard, en faire son "outil" pour la prise du pouvoir. Ensuite, et Philippe Biancone n'en parle pas, son échec à la mairie de Paris, à cause du maintien obstiné de Jean Tibéri, a cassé net son ambition. Il n’avait plus à sa disposition, de tremplin suffisant pour lui permettre de tenir jusqu’à l’échéance de 2007.
PSB France Normandie