Majorité: boulevard du crime !

Il est long le chemin. Long et difficile ! L’espoir de 2007 a fondu comme neige au soleil. La cinglante défaite aux élections régionales l’a révélé à la majorité qui l’ignorait encore ou qui faisait semblant de ne pas s’en apercevoir. C’est ainsi, les Français ont dessillé sous le double impact de la crise et des promesses non tenues. Ils n’y croient plus. Le « travailler plus pour gagner plus », leur grand espoir, est resté un slogan. Leurs fins de mois sont devenues plus difficiles. Et le chômage s’invite désormais à leurs tables, sans aucun respect pour les sacrifices consentis, qui plus est…

 Bref, nous sommes dans une situation à fort potentiel explosif et les troupes se débandent malgré les efforts conjugués des fidèles du chef de l’Etat qui tentent, souvent maladroitement, de reprendre l’initiative sans avoir l’air de céder tout en cédant. Car il y a urgence. L’extraordinaire trou d’air que connait Nicolas Sarkozy suscite des vocations. Le débat sur la « bonne » candidature en 2012 est ouvert. Les rivaux s’enhardissent, prennent date. Alain Juppé, Dominique de Villepin, Jean-François Copé. Chacun avec sa stratégie, mais tous avec la même volonté de briser le tabou. A croire que leur opinion est faite. Que dans leur esprit, Nicolas Sarkozy a déjà échoué et sur le fond et sur la forme ; qu’il ne sortira pas indemne de son quinquennat ; qu’il ne pourra pas se présenter une seconde fois avec un bilan si décrié et sur le point de se transformer en boulet. Ils y vont tous de leur couplet, couplet « jacquesBrélien » en diable. On les entend parler et c’est comme s’ils nous murmuraient « qu’il (Nicolas Sarkozy) voudrait bien avoir l’air (d’un Président sûr de lui et de sa politique), mais qu’il n’a plus l’air  du tout ». « Qu’il ne faut pas jouer les riches, quand on n’a pas le sou (ce que Matignon s’évertue à dire depuis de longs mois sans être pris au sérieux par l’Elysée)". Résultat : La taxe carbone ? C’est déjà de l’histoire ancienne. La pub sur la télé publique ? Elle pourrait y rester, durant la journée : et tant pis pour la « tyrannie de l’audience » qui expliquait officiellement sa suppression… Certes, le gouvernement n’a pas confirmé un tel projet, au contraire. Mais nous savons, en revanche, qu’il n’a pas d’argent pour compenser la perte des 400 millions d’euros qu’un tel choix occasionnerait. Et que dire de la réforme de la justice ou de la réforme territoriale programmées cette année ? Elles verront peut-être le jour, mais revisitées, sans doute réduites au plus petit dénominateur commun, si toutefois un PPDC est trouvé. C’est la confirmation que rien ne va plus et que nous en sommes désormais à une phase de « détricotage » inédite sous la Vème République. 

Jusqu’au bouclier fiscal, mesure emblématique, la première du quinquennat  (elle permet au contribuable de ne pas payer en impôts CSG et CRDS comprises, plus de 50% de son revenu fiscal de référence), qui est menacé. Par l’opposition qui y voit une mesure destinée à rendre les riches plus riches, mais ce n’est pas nouveau. Et plus intéressant et plus compliqué pour l’exécutif, par de nombreux élus de la majorité soudain conscients que cette réforme est une réforme qui ne colle pas avec les efforts réclamés en période de grave crise. La majorité l’a pourtant votée cette réforme. Et même comme un seul homme, portée qu'elle était par un sarkozysme triomphant et euphorisant. Elle s’est montrée « décomplexée » ce jour là, comme son chef l’y avait incitée. Décomplexée et pourtant frappée d’amnésie politique, au point d’oublier qu’entre la Liberté, l’Egalité et la Fraternité, les Français, dans leur histoire, ont le plus souvent tranché en faveur de l’Egalité. Dès lors, le bouclier fiscal ne pouvait que constituer la faute originelle. Celle qui allait conditionner tout ce qui allait suivre - et peu importe si la crise n’était pas encore à l’œuvre au moment où il a été élaboré et voté -. Le propre du politique, c’est en effet de prévoir. On le sait, on l’a dit et écrit. Et ne pas savoir prévoir, c’est échouer avant même d’avoir commencé. En réalité, avec cette réforme, avec la loi TEPA, le libéralisme façon Sarkozy posait, en même temps, tous ses espoirs et toutes ses limites sans même le savoir. La cinglante défaite aux élections régionales, la réserve des électeurs de droite, sont venues rappeler ce principe simple de la démocratie : on ne peut avoir raison contre tous. Et un mandat délivré par le peuple reste un mandat délivré par le peuple auquel  tout élu se doit de rendre compte, sauf à le dissoudre une bonne fois pour toute.

Ecouter et entendre ! Nicolas Sarkozy n’a fait ni l’un, ni l’autre. Et encore moins l’autre que l’un. Trois ans plus tard, le moment semble venu de procéder autrement. Le bouclier fiscal ne porte plus un vainqueur, mais un chef affaibli et contesté qui doit se demander si ce n’est pas le ciel qui lui tombe sur la tête… On peut comprendre ! S’il n’y a plus de travail, comment valoriser le travail ? La prise de risques et la réussite ? Si l’argent se raréfie, comment faire accepter qu’il soit principalement capté par les plus riches, par ceux qui en ont le moins besoin et qui, de fait, profitent pleinement du bouclier fiscal… Paradoxe qui saoule comme saoulerait un mauvais vin. De quoi se réveiller avec une gueule de bois carabinée et l’envie furieuse de tout jeter par-dessus bord, ce qui arrive à la majorité.

Après la défaite, elle se révolte. Elle se secoue pour se débarrasser de cette malédiction qui poisse et poisse depuis 2007. Le vote de la loi TEPA n’était pas un bon choix. La preuve : il a ralenti l’expatriation fiscale, mais il ne l’a pas stoppée, loin s’en faut. Les statistiques le prouvent. Et François Baroin, le nouveau ministre du budget, a dû l’avouer devant des députés qui l'auditionnaient.

 Ne reste donc plus à Nicolas Sarkozy que la réforme des retraites pour convaincre. Et là encore la négociation s’annonce longue et difficile. Longue : le chef de l’Etat a donné six mois, mais on peut penser qu’il faudra plus pour parvenir à un accord. Et difficile, parce qu’elle suppose de nombreuses concessions aux syndicats afin que chacun ait le sentiment que la solidarité nationale est renforcée. Nous sommes loin du compte !  

 

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