La tournée du patron.

L'échec électoral peut avoir des conséquences traumatisantes. Nicolas Sarkozy vient d’en faire l’expérience.

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D’un scrutin régional, il vient de tirer, contraint et forcé, un enseignement national. Pourtant, il avait pris la peine d’intervenir, à la télévision, puis dans le Figaro magazine, à la veille du vote, pour dire aux Français qu’il ne pouvait pas y avoir un rapport d’échelle. Qu’il n’était pas concevable que des élections régionales impactent la politique nationale, ce qui n’est pas sans logique dès lors que l’on respecte, soi-même, la règle ainsi formulée. Seulement voilà : ce point de vue n’a été adopté que tardivement ; après avoir pris la juste mesure de l’ampleur de la défaite annoncée par tous les instituts de sondages. Avant, c’était un autre discours. Le chef de l’Etat, certain de grappiller quelques régions à la gauche (la majorité n’en possédait que deux depuis 2004, l’Alsace et la Corse, et elle jugeait impossible de faire moins bien), avait proclamé, lors d’un Conseil national de l’UMP, sa volonté de battre l’adversaire en défendant son bilan et en réaffirmant le cap des réformes. Le raisonnement allait de soi pour l’Elysée. Le PS critiquait violemment les textes votés et ceux inscrits au calendrier ; le PS proclamait que les régions devaient servir de « bouclier social » face au « bouclier fiscal »... Il convenait donc de l’affronter sur ce terrain, quitte à oublier, provisoirement, qu’effectivement il y a bien une différence d’enjeux entre des élections régionales et des élections nationales. Une faute politique que de se laisser entraîner là où l’on ne veut et ne doit pas aller ! Et la majorité d’accuser, en retour et à son tour, la gestion socialiste des régions. Sa propension à dépenser. Son ardeur à augmenter les impôts. Sa capacité à créer toujours plus d’emplois, d’agents territoriaux, malgré le choix de l’Etat de ne remplacer qu’un départ à la retraite sur deux chez les fonctionnaires, une politique inflationniste qui contribuerait largement aux déficits de l’Etat. Tout cela avant de brandir le thème sécuritaire pour enjamber le premier tour, avec pour seul effet de réveiller le Front National qui n’attendait que cet écart… Jean-Marie le Pen à près de 23% en PACA. Sa fille Marine à 22 dans le Nord Pas-de-Calais. Le choix était contreproductif...

Les Français ont tranché. Du moins ceux qui se sont déplacés pour voter, soit 53% du corps électoral, ce qui repose la question de l’abstention et des raisons de l’abstention. Mais qu’importe ! La gauche, et tout particulièrement Martine Aubry, sont sorties confortées de l’épreuve et peuvent espérer des jours meilleurs. Le Front National a retrouvé des couleurs. Et la majorité divisée, sujette à une rage furibonde, a dû se contenter de ce que le chef de l’Etat a bien voulu concéder. Pas assez pour répondre aux attentes du « peuple », selon certains. Pas suffisamment pour ressouder un camp divisé sur la méthode et sur le fond des réformes, pour d’autres.

La violence de l'impact a fait trembler l’édifice. 21 régions pour la gauche, 3 pour la droite, la Réunion, la Guyane et la seule Alsace en métropole... 

Après une défaite pareille, il fallait allez vite. Il fallait diffuser un message clair. Et puisque charité bien ordonnée commence par soi-même, Nicolas Sarkozy a concédé un « mini remaniement technique » et le renvoi de la taxe carbone à une décision Européenne. Une façon d’avaler son chapeau, tout en évitant de s’étouffer. Ces deux options  ne constituent pas une réponse aux attentes des Français, mais qui se soucie de ce qu’ils expriment ? Manifestement pas le Président entravé par une cote de popularité en chute libre (35% d’opinions positives selon le dernier sondage LH2-le Nouvel observateur) et appelé, par conséquent, à jouer les secouristes malgré lui. Non, pas lui ! Et pour cause. L’urgence après le vote sanction, c’était tout simplement, à ses yeux, de ressouder une majorité au bord de la crise de nerf. Le remaniement, a donc consisté à faire entrer au gouvernement trois nouveaux. François Baroin, qui a notamment occupé les fonctions de ministre de l’intérieur dans le gouvernement Villepin en remplacement de Nicolas Sarkozy démissionnaire pour devenir candidat à l’élection présidentielle. C’était en 2007. « Cinq mois à l’intérieur et cinq ans à l’extérieur », avait commenté, un tantinet ricaneur, Nicolas Sarkozy, une fois élu, pour condamner ce Chiraquien de cœur et de conviction qui le rudoyait dans les interviews qu'il accordait généreusement. Un autre temps. Mais aujourd’hui, la résistance au Sarkozysme triomphant est oubliée, pardonnée. Le Chef de l’Etat déconfit, a piteusement troqué l’ouverture à gauche contre l’ouverture à droite pour mettre « les morts à table » comme le disait Aragon. Un geste d’ouverture censé effacer tous les affronts et panser toutes les plaies, rien n’est moins sûr. Rectifions donc. Après « trois ans à l’extérieur » et une défaite électorale sans précédent pour la droite sous la Vème République, François Baroin est de retour. Et au Budget, s’il vous plait... Deuxième entrant, Georges Tron, un proche de Dominique de Villepin. Là, le calcul est un peu différent. Il s’agit pour Nicolas Sarkozy de diviser les partisans de son meilleur ennemi qui suscite de plus en plus d’intérêt dans l’électorat de droite, en offrant un secrétariat d’Etat à la Fonction publique à l’un de ses thuriféraires. Un « deal » qui peut apparaître un peu pingre, les Villepinistes les plus ardents ne se sont pas privés de le souligner en précisant que la démarche de Georges Tron était purement personnelle et sans engagement pour les autres partisans de l’ancien premier ministre de Jacques Chirac qui va lancer son propre parti le 19 juin prochain. Et enfin, Marc-Philippe Daubresse, ancien ministre dans le gouvernement Raffarin. Son entrée au gouvernement comme ministre de la jeunesse et des solidarités actives, réaffirmant toute la place que les Centristes, trop souvent oubliés, sont censés occuper au sein de la majorité

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Jean-François Copé: "revenir aux fondamentaux"

   

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« Il n’y a pas de nouveau contrat avec le peuple, ni de changement de cap politique ni de doute sur le soutien de la majorité » a-t-il tonné de Matignon, son camp retranché. Message bien reçu par l’intéressé, Jean-François Copé. Et acte de repentance, la témérité, comme le reste, ayant des limites : « Il n’y a pas d’autre issue que d’être aux côtés de Nicolas Sarkozy pour permettre sa réélection en 2012 » a donc avoué, aussitôt, le Président du groupe UMP à l’Assemblée en pensant à 2017, son rendez-vous fantasmé avec l’histoire et l'opinion. En attendant les réformes continuent et continueront, conformément au "pacte majoritaire", mais le premier, celui passé en 2007 avec les Français, qui le contestent désormais... majoritairement..!     

 

1 Comments

Très bonne analyse du scrutin et de l'état d'esprit des uns et des autres, surtout à droite. La droite a perdu. Mais, au-delà de la sanction contre la politique de Sarko, la gauche a-t-elle vraiment gagné (au sens d'une reconquête des Français par un programme alternatif cohérent)? Je doute. Espérons que les S.R. et les L.F. ne se retrouvent pas de raisons "honorables" de revenir...en force!

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