Identité nationale: Le danger "d'instrumentalisation"

 

   

Le gouvernement chante la Marseillaise! Au second rang, en toute discrétion, Eric Besson (photo pb).

On peut parler de tout. Mais pas avec n’importe qui. Et pas n’importe quand ! Le gouvernement Français aurait dû s’en souvenir. Et si le débat sur l’identité nationale française a été conçu comme une opération de diversion, disons que la démarche s’avère hasardeuse et qu’elle ne connaîtra pas le succès de « Fortitude » planifiée par les alliés pendant la seconde guerre mondiale pour dissimuler le lieu réel du débarquement. La preuve: le délicat théâtre des opérations choisi par Eric Besson - et sans doute un petit peu par Nicolas Sarkozy - devient une sorte de bourbier pour la majorité.                           

Nicolas Sarkozy: "nous devons être fiers d'avoir restauré en France un discours assumé sur l'identité nationale et républicaine".     (photo pb)

Le leurre ne dissimule plus l’objectif. Au point que le débat, censé doper la majorité aux élections régionales, devient contre-productif et dangereux. Il insuffle artificiellement un supplément d’âme à l’extrême droite. Il provoque même des dommages collatéraux en libérant la parole xénophobe des Français, y compris parmi les élus de la majorité. Sans doute « se trompent-ils de colère en se montrant ainsi racistes » décomplexés. Le président Léopold Sedar Senghor le disait en son temps à propos d’autre chose et d’autres gens. Tout comme Gide qui nous expliquait que « moins le blanc est intelligent et plus le noir lui parait bête ». Ou bien Romain Gary qui se plaisait à rappeler que « le patriotisme c’était l’amour des siens et le nationalisme la haine des autres ».

Nous dépassons quelquefois - trop souvent - les bornes de la bêtise sans en avoir conscience, presque en catimini. Et d’autres fois d’une manière plus volontaire, parce qu’elles sont aisément franchissables dès lors que l’on veut jouer aux apprentis sorciers en pratiquant le mélange des genres et en brassant inconsidérément des idées potentiellement explosives. L’identité nationale et l’immigration, l’intitulé du ministère initiateur du débat. Le voilà désormais accusé de lier l’un à l’autre et de glisser sur le seul terrain de l’immigration et de la place de l’Islam en France.

Le fait est là ! La crise alimente les ressentiments, conscients ou inconscients ! Et l’incapacité du gouvernement à trouver des solutions à l’emballement de la précarité pousse certains à chercher des boucs émissaires. Seulement Eric Besson a, semble t-il - et il est de ce point de vue "l'unique" dans la sphère du pouvoir -, oublié que nous étions en crise… Ou alors, il est passé outre pour mieux rester dans l’action, au plus près du Président, sa place préférée pour réaliser ses ambitions et tenir sa trajectoire médiatique ascendante.

Eric Besson, la ferveur d'un nouveau converti. "J'aime bien ce que je fais. Je suis très à l'aise" (photo pb)

Il aurait pu tout simplement attendre la fin des turbulences pour interroger des Français qui doutent sur l’identité nationale. Pas qu’ils se désintéressent de la question. Loin de là ! Mais ils ont assez à faire pour défendre leurs emplois et boucler leurs fins de mois. La pression sociale est trop forte pour qu’ils répondent sereinement. On le voit bien avec la votation Suisse contre les minarets et les paroles peu amènes qui ont été prononcées dès le résultat connu chez nous. L’opposition condamne l’initiative du ministre Besson, même si elle ne rejette pas l’idée d’un débat sur l’identité nationale. Une partie de la majorité craint l’effet boomerang en raison « d’une absence de rigueur intellectuelle » qui se traduit déjà par un flirt avec le pire. Et les Français qui, majoritairement, sont intéressés par la question, restent persuadés qu’il ne s’agit de rien d’autre qu’une stratégie pour engranger des voix à l’occasion des élections régionales.  

Eric Besson ne semble pas perturbé outre mesure par les passions et les hésitations que provoque son initiative. Il utilise même une forme de populisme en stigmatisant ceux qui auraient peur du peuple français, « qui voudraient le dissoudre ». Il revendique 40 000 contributions sur le site internet du ministère dont 6 à 7% de messages racistes ou xénophobes qui sont enlevés. Voilà pour répondre à Daniel Cohn-Bendit qui a utilisé le mot « fascisme » pour qualifier l’ambiance créée par le débat.

 Francois Fillon dit ne pas craindre la polémique: "Être français, c'est courir le risque que toute décision enflamme la controverse" (photo pb).

Avec les difficultés, les pires réflexes et l’inquiétude ! Le chef de l’Etat vient de le réaliser. Il a envoyé François Fillon au déminage. « Etre Français s’est se sentir chez soi dans l’épopée qui va d’Alésia à Koufra (Oasis de Libye où débute en 1941 la reconquête du général Leclerc) », a dit le Premier ministre à l’Institut Montaigne, avant d’ajouter : « que le danger était de laisser monologuer les tenants du repli national, les nostalgiques qui sont prêts à emboucher le clairon de Déroulède et de Vichy ». Il n’a pas tort le chef du gouvernement. Il voit bien le danger. Mais cela suffira t-il à calmer les plus excités et à mobiliser les plus sensés ? Pas si sûr. Nicolas Sarkozy lui-même aurait eu, avant de renoncer, l’intention d’intervenir plus rapidement que prévu afin d’éviter, selon la récente formule de Jean-Pierre Raffarin, "que le débat devienne une réflexion de comptoir". Nous atteignons là les limites de l’exercice. Un leurre, par exemple le char Sherman gonflable dans le cas de l’opération « Fortitude » pour revenir à elle, n’est pas fait pour tromper indéfiniment l’ennemi, mais suffisamment longtemps pour permettre à celui qui l’utilise, d’agir ailleurs avec plus de facilité et d’efficacité; souvent la condition de la victoire dans un monde qui bascule dans l’adversité. Mais au-delà d'un certain délai: l'incertitude, le risque d'être confondu... Les Grecs le savaient. Les Troyens eux-mêmes l’ont compris, mais un peu tard: ils auraient dû brûler le Cheval devant les portes de la ville… Et nous, le comprendrons nous assez tôt ?

 

 

 

 

 

1 Comments

Pour chaque pays,on doit avoir un debat national sur l'identité nationale.