Lionel Jospin: what else ?

Un documentaire. Un livre. Des adieux qui n’en sont pas vraiment. Plutôt un au revoir le passé et un bonjour l’avenir. Quasiment un retour au premier plan pour les plus nostalgiques, l’espace d’un jour, d’une semaine, d’un mois tout au plus ; celui d’un homme qui, après avoir longtemps ruminé une victoire annoncée, accepte enfin la défaite et sa responsabilité dans la défaite. Lionel Jospin semble s’être réconcilié avec lui-même. Et sans doute un peu avec les autres, avec l’enfer, puisque l’enfer c’est les autres...

De la défaite, il revendique donc sa part ; presque toute sa part. Et par là, s’ouvre les portes de la rédemption politique. Pas pour revenir dans la course qu’il a quitté en 2002 et tenté, en vain, de reprendre en 2007. Non, pas pour cela. Mais pour reprendre contact avec les Français. Pour gommer, également, quelques aspérités et mieux rentrer dans l’histoire. Jospin n’avait pas été compris – mais avait-il lui-même compris les Français ? -, il ne pouvait le supporter. Désormais, après quelques rectifications, il semble enfin prêt à jouer un autre rôle : « Le PS aurait tort de se priver d’une tel militant », martèlent ses amis les plus proches qui désirent toujours lui voir conserver une influence… Il est un observateur affûté de la vie politique. Il a une expérience gouvernementale unique à gauche avec cinq années passées à Matignon. Saura t-il pour autant être un conseil avisé pour le PS ?

Lionel jospin (photo pb)

 La défaite. Et quelle défaite ! Elle ouvre le film, pas le livre qui préfère la chronologie classique, d’abord la naissance à Meudon le 12 juillet 1937. Elle est un début et une fin. Battu par Chirac, mais surtout éliminé, dès le premier tour, par Jean-Marie le Pen. Une première. Le candidat de la plus grande formation de gauche, celle qui gérait la France depuis cinq années avec quelques résultats, devancé par le vieux leader de la petite formation d’extrême droite que l’on disait divisée et moribonde. Cruauté de l’histoire aux conséquences incalculables pour le PS. La retraite annoncée du candidat malheureux a montré toute la fragilité de la formation. Sans leader reconnu, tout le monde s’est senti des dispositions pour occuper la fonction. Le « cerveau collectif » a été débranché. Plus de connexions. Plus de réflexion. Plus de projet, parce que plus de réflexion. Le blackout ! Puis aussitôt après et à la place, une multitude d’interventions et d’idées contradictoires lancées sans concertation. Un concours de communication, les yeux fixés sur les sondages. Et au final une cacophonie. Des ambitions personnelles affichées. Des tentatives de neutralisation... Less than zero !

La « guéguerre » de Solferino - de la rue de Solferino à Paris et pas Solferino en Lombardie dans la province de Mantoue qui vit triompher Napoléon III - n’a pas cessé depuis. Tenir l’aile droite. Résister au centre. Et pousser à gauche pour refermer la tenaille. Le malaise a pris une épaisseur croissante depuis 2002. Il s’est nourri de l’égoïsme et des rancœurs. Le parti n’a plus la même consistance, a t-il encore une consistance ? Il n’enthousiasme pas. Il ne mobilise plus, parce qu’il ne produit pas d’idées et donc pas de projet et donc pas d’alternative... Troquer l’avenir collectif, contre la somme des avenirs personnels des responsables. Il ne pouvait y avoir que deux sortes de dupes, le militant et plus encore l’électeur. Une boulette, une vraie, qui donne le sentiment d’une fin prochaine de la politique. Sans ciment l’édifice s’est mis à trembler et tremble toujours au point que l’on s’interroge sur sa possibilité de rester entier en cas de nouvel échec en 2012. Martine Aubry a une lourde responsabilité, une mission qui paraît impossible : reconstruire sur des sables toujours mouvants.

 (Photo pb)

Lionel Jospin est un diesel. Il lui faut du temps pour s’élancer. Celui notamment de la réflexion, car il aime réfléchir. Quelquefois trop ! Et à trop peser le pour et le contre on sait ce qu’il peut advenir... Pourtant, le 21 avril, c’est l’inverse qui s’est produit. Il a pris une décision à chaud, « à l’instinct », comme il l’a expliqué rétrospectivement sans aller plus avant dans la révélation de ses motifs profonds. Une décision qui s’est avérée définitive, après une tentative de « come back » maladroite et incompréhensible en 2007.

Huit ans après sa défaite, alors que le PS dérive toujours, « Lionel est donc venu nous raconter Jospin », sa vision plus éthique de la politique, plus collective également que celle qui nous est proposée, il l’a dit en introduction au documentaire de Patrick Rotman. Nous savions déjà. Il a, malgré tout, choisi de rafraîchir les mémoires. Le film ? Trois heures pour raconter un itinéraire : «  l’histoire d’une vie et celle aussi de la gauche, même si c’est une vision subjective ». Ses amis, socialistes ou pas, réunis au Forum de l’image, au centre de Paris, l’ont applaudi pour ces propos. Ils étaient tous invités, à l’exception de Ségolène Royal. Et ils ont bien entendu l’ancien candidat leur dire qu’il avait « surestimé la perception positive de son bilan, surestimé le rejet de jacques Chirac, sous estimé les divisions de la gauche et sous estimé le premier tour  ». Doit-on en conclure, comme d’autres l’ont fait, que son orgueil et sa certitude d’être le meilleur l’ont conduit à l’échec ?  Et quid de son envie réelle de devenir Président ? Lionel Jospin n’évoque pas ces questions. Ni dans le livre, ni dans le film. Elles touchent à l’intime. Et de l’intime, il ne parle pas...

1 Comments

Il me semble que L. Jospin restera toujours un grand homme politique français, respectable dans ses convictions comme dans le bilan de son action. Je crois qu'il ne serait pas bon qu'il revienne et, même s'il le faisait, le PS le dévorerait comme il sait dévorer ses grands hommes...