Jacques Chirac: que passe la justice...

 

Jacques Chirac est la star politique de la semaine. Sa notoriété est bonne, les Français le préfèrent à tous les autres. Il vient de publier le premier tome de ses mémoires aux éditions du Nil, "Chaque pas doit être un but". Et la plupart des élus, droite et gauche confondues, tout comme la plupart de leurs électeurs, s’attristent qu’il soit renvoyé devant le tribunal correctionnel pour des faits qui remontent à l’époque où il était maire de Paris, même s’ils considèrent, par ailleurs, que la justice doit passer, ancien Président ou pas.

André Vallini (PS): "Jacques Chirac dit que ces emplois fictifs ne l'étaient pas. Cette affaire a trop duré. Il faut en finir". (photo pb)

Autrement dit, au moment où Jacques Chirac fait la quasi unanimité - son grand rêve -  il est rattrapé par l’histoire. Il pensait pourtant échapper au déballage public. Il avait même tout fait, alors que Président, pour qu’il en soit ainsi ; pour que l’Histoire ne retienne pas l’image d’un « ex primus inter pares » face à un tribunal. Mais la République a une justice et quelquefois des serviteurs déterminés pour la faire appliquer, ce que Jacques Chirac a désormais bien intégré et formulé. « J’irai tout naturellement, comme tout citoyen a le devoir de le faire, m’expliquer et ceci, croyez le bien, avec sérénité et détermination car je n’ai rien à me reprocher ». Une posture vertueuse qu’on aurait aimé lui voir adopter en d’autres temps.

 

Christian Jacob, député UMP, ex-ministre de Jacques Chirac.
"Chirac est serein et déterminé sur ce sujet. On était sur une réquisition qui était sur un non lieu total. On arrive à un non-lieu partiel. On parlait de 500 soi-disant emplois fictifs, on en est maintenant à 21, et pourquoi pas zéro ? C'est un combat personnel. Mais Chirac reste au sommet de sa popularité à l'Assemblée nationale". (photo pb)

 

Voilà qui devrait tout de même rasséréner François Fillon. Le premier ministre avoue, en effet, n’éprouver aucun plaisir à voir l’ancien chef de l’Etat renvoyé au tribunal correctionnel. Et s’il souligne que c’est la preuve d’une justice française indépendante, c’est uniquement pour profiter d’un effet d’aubaine transversal, parce que la conjoncture n’est pas bonne pour l’exécutif et qu’il faut bien « positiver », comme le proclamait la pub d’une chaîne de grande distribution. Il en va de l'opinion publique française, comme il en va de la presse internationale. Cette dernière s'est déjà gaussée du népotisme affiché par Nicolas Sarkozy (lorsqu'il a soutenu la candidature de son fils Jean à la présidence de l'EPAD) et de la condamnation d'un ancien Premier ministre, Dominique de Villepin, dans une croquinolesque et barbouzarde affaire d'Etat. Elle pourrait bien récidiver avec cette comparution d'un ancien Président, véritable exception dans la vieille Europe démocratique, devant un tribunal correctionnel. Trois séquences qui entachent sérieusement l'image même de notre pays et qui alimentent le malaise de la majorité.

Deux ans et demi après l’élection présidentielle, les élus UMP sont devenus trop sceptiques, trop frondeurs face à la pratique solitaire du pouvoir de Nicolas Sarkozy, pour ne pas leur envoyer quelques signes d'unité à un moment où ils sont tentés par la division et la cacophonie pour vaincre le doute. Il semblerait, en effet, que l’idée défendue par Jean-Marc Ayrault, idée qui veut que le mythe d’un Sarkozy invincible en 2012 soit tombé, ait pris consistance jusque dans les rangs de la majorité, même si on ne voit pas très bien, pour l’instant, qui serait en mesure de le défier et de le battre…